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Le système de défense du prévenu au travers des conclusions déposées devant la Cour d'appel de Bruxelles sur base de déposition mensongère |
COUR D’APPEL DE BRUXELLES |
14e chambre correctionnelle Notices BR 46.99.2726-04 et 0080 M 08 |
CONCLUSIONS ADDITIONNELLES ET DE SYNTHESE |
POUR : Monsieur Bernard DUPONT, docteur en médecine,
domicilié ----- à 1950 Crainhem |
Prévenu |
Ayant pour conseils : |
Maître Eric THIRY, avocat, avenue Hippolyte Boulenger, 49 à 1180 Bruxelles |
et Maître Alain VERGAUWEN, rue Emile Claus, 5 /4 à 1000 Bruxelles |
CONTRE : |
1. Monsieur le Procureur général près la Cour d’appel de Bruxelles |
2. Monsieur Philippe CAILLIAU, domicilié ----- et Madame Josiane KOPF, ----- |
PARTIES CIVILES : |
Ayant pour conseils : |
Maître Marc WAGEMANS et Maître Olivier LOUPPE Avocats Rue Defacqz 78-80 1060 BRUXELLES |
EN PRESENCE DE : |
La S.A. ALLIANZ BELGIUM , dont le siège social est situé à 1000 Bruxelles, rue de Laeken 35 – RPM n° 0403.258.197 |
Partie intervenant volontaire |
Ayant pour conseil Maître Marc VALVEKENS, dont le cabinet est situé avenue Emile Van Becelaere 28B bte 8 à 1170 Bruxelles |
PLAN DES CONCLUSIONS |
1. EXPOSE DES FAITS |
2. LE JUGEMENT ENTREPRIS |
3. PRINCIPALES CRITIQUES A L’ENCONTRE DU JUGEMENT |
4. LES RAPPORTS D’EXPERTISE DANS LE CADRE DE L’INSTRUCTION |
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5. RAPPORTS MEDICAUX PRODUITS EN PREMIERE INSTANCE ET RECHERCHE DE LA CAUSE DU DECES |
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6. RAPPORTS D’EXPERTISE PRODUITS EN DEGRE D’APPEL PAR LE CONCLUANT |
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7. ABSENCE DE FAUTE DANS LE CHEF DU CONCLUANT |
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8. L’ABSENCE DE RELATION CAUSALE ETABLIE ENTRE LA FAUTE EVENTUELLE ET LE DOMMAGE |
9. EN DROIT : ABSENCE D’INFRACTION |
10. LA CARRIERE DU CONCLUANT |
11. LES DEMARCHES ENTREPRISES PAR LA PARTIE CIVILE |
12. DEMANDE SUBSIDIAIRE DE SUSPENSION DU PRONONCE DE LA CONDAMNATION |
13. DISPOSITIF DES CONCLUSIONS |
14. INVENTAIRE DES PIECES DEPOSEES |
Vu l’arrêt de la Chambre des mises en accusation du 18 janvier 2007 qui avait renvoyé le concluant devant le Tribunal correctionnel sous l’inculpation d’avoir « Dans l’arrondissement judiciaire de Bruxelles entre le 4 mai 2004 et le 30 mai 2004, pour avoir exécuté l’infraction ou coopéré directement à son exécution, pour avoir, pour un fait quelconque, prêté pour son exécution une aide telle que, sans son assistance, le crime ou le délit n’eût pu être commis, pour avoir par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué à ce crime ou à ce délit ; par défaut de prévoyance ou de précaution mais sans intention d’attenter à la personne d’autrui, involontairement causé la mort de Mélanie CAILLIAU ». |
Vu le jugement prononcé le 2 avril 2008 par la 54e chambre du Tribunal de Première Instance de Bruxelles jugeant en matière de police correctionnelle. < |
Vu l’appel interjeté par le concluant le 15 avril 2008. |
Vu l’acte d’appel des parties civiles du 16 avril 2008. |
Vu l’appel interjeté par la SA ALLIANZ BELGIUM. |
Vu les conclusions et conclusions additionnelles et de synthèse prises pour les parties civiles. |
1. EXPOSE DES FAITS |
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Le concluant exerce la médecine générale depuis près de
30 ans. Son cabinet est installé à 500 mètres des Cliniques
universitaires ST LUC. Il voit beaucoup d’étudiants en blocus et est confronté à leur stress et leurs plaintes somatiques de façon très régulière. Le 16 avril 2004, Mlle Mélanie CAILLIAU fait une varicelle à l’âge de 22 ans. |
Le 5 mai 2004, elle voit l’assistant du concluant, le
Dr Cédric MOYERSOEN.
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Le concluant explique alors que le stress cumulé du blocus et la faiblesse majeure de la varicelle à l’âge adulte peuvent causer ces grosses brûlures à l’estomac qui irradient vers la colonne, qu’il n’y a pas de signe d’ulcère mais que c’est « limite ». Le concluant prescrit donc :
Le lendemain, un message du fiancé sur le répondeur du concluant lui apprend le décès. Il faut rappeler que le concluant est le médecin de la famille du fiancé de longue date. Le concluant essaye à plusieurs reprises d’entrer en contact avec le fiancé. Toutefois, le n° de GSM qui avait été donné dans le message laissé sur le téléphone du concluant n’était pas celui du fiancé mais celui de la patiente. Un seul chiffre différait. Le concluant a dès lors des difficultés à rentrer en contact avec le fiancé. Il ne possédait par ailleurs pas le n° de téléphone des parents de la patiente. Le n° de téléphone n’était en effet pas dans l’annuaire. Le concluant passe le samedi déjà à la clinique St Luc mais le Docteur Philippe MEERT, responsable des urgences, était déjà rentré pour récupérer de sa garde. Après plusieurs tentatives, le concluant réussit à contacter le fiancé le dimanche et il est convenu de se revoir avec les parents de la patiente après l’autopsie. Le mardi, le concluant voit enfin le Dr Philippe MEERT qui, à ce moment, n’a encore aucune idée de ce qui a pu se passer et entraîner le décès en fonction des informations qu’il a pu recevoir tant des parents de la patiente que du concluant. Ce dernier a encore repris contact avec le fiancé après les résultats de l’autopsie et proposé de rencontrer la famille mais cette proposition n’a pas été acceptée. |
2. LE JUGEMENT DU 2 AVRIL 2008 DE LA 54e CHAMBRE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BRUXELLES |
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Le tribunal a considéré qu’il ne voyait pas de raison
de mettre en doute la parole des parties civiles, a estimé que le
concluant avait commis une négligence qui aurait compromis les chances
de survie de la patiente par un traitement approprié et qu’il avait
donc commis une faute constitutive du délit d’homicide involontaire en
relation de causalité avec le décès, la prévention étant considérée
comme établie. Le tribunal a également estimé que la suspension du prononcé de la condamnation qui avait été sollicitée à titre subsidiaire ne pouvait être accordée. En conséquence, le tribunal a prononcé à charge du concluant une peine d’emprisonnement de un an et une amende de 750 € en assortissant ces peines d’un sursis de trois ans. Le Tribunal a également fait droit à la constitution de partie civile. |
3. PRINCIPALES CRITIQUES A L’ENCONTRE DU JUGEMENT |
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Le concluant estime que les éléments qu’il a présentés
devant le premier juge n’ont pas été suffisamment pris en compte et
auraient dû amener le tribunal à examiner de façon plus nuancée la
version des faits telle qu’elle a été perçue par les parties civiles. Ainsi, le concluant avait signalé que si lors de l’entretien téléphonique du 10 mai, la patiente parle bien d’une prise de poids, sans autre précision, le 12 mai elle n’en parle plus et au contraire précise que ses chevilles ont dégonflé. Lors de la consultation du 28 mai, à aucun moment la patiente ne se plaint d’une prise de poids, son souci étant à ce moment là d’arriver à étudier et à présenter ses examens. D’autre part, lors de l’audience correctionnelle, le médecin légiste avait souligné les conditions précaires de pesage. Cet élément aurait dû être dès lors également pris en compte et ne pouvait pas être porté à charge du concluant. Il est par ailleurs anormal que le poids qui est repris dans le rapport d’autopsie ne soit pas remis en cause par le tribunal malgré les rapports attestant l’absence de rétention d’eau, y compris de la part du Dr BONBLED, ce qui avait d’ailleurs été acté. Par contre pour la taille, le tribunal s’écarte du rapport d’autopsie : alors que le rapport mentionne une taille de 1 m 60, le jugement mentionne une taille de 1 m 68. La même critique porte sur le symptôme de l’essoufflement. S’il y avait eu une situation dégradée comme l’affirment les parties civiles, la patiente n’aurait pas laissé se dérouler une quinzaine de jours sans aucune nouvelle. Il y a donc lieu de croire que la perception des événements par les parties civiles est elle-même amplifiée a posteriori au vu du décours dramatique de ceux-ci. Le tribunal relève « En outre, ce symptôme qui frappe d’emblée le prévenu lorsqu’il la vit arriver à sa consultation, n’a pu se développer avec autant d’intensité depuis la communication téléphonique de la veille… » (feuillet 9) Le concluant s’étonne que le tribunal puisse émettre une telle affirmation alors que la question de savoir si l’hyperventilation pouvait se développer rapidement n’a pas été abordée. Le concluant regrette également que le tribunal interprète le rapport du Professeur RENARD comme venant contredire le point de vue du prévenu lui-même alors qu’à la question de savoir si une varicelle présentée à l’âge adulte pouvait provoquer des complications de cardiopathie, le concluant avait effectivement répondu qu’il le savait avant le drame mais que c’était simplement mentionner dans la littérature et qu’il n’y avait aucune description de cas. Connaître les complications d’une maladie, savoir qu’elles existent et les avoir déjà rencontrées, sont des choses tout à fait différentes. C’est bien pour cela que lorsque le Professeur RENARD souligne que : « Cette incapacité de reconnaître la gravité de la situation est une fatalité qui ne peut à mon avis s’expliquer que par l’impossibilité pour le Dr Bernard DUPONT de reconnaître ce qu’il ne connaît pas… » Il ne se réfère pas à la connaissance théorique de la pathologie mais à la connaissance en tant qu’expérience personnelle en tant que confrontation à une pathologie donnée. Aucun expert n’a vécu de myocardite varicelleuse. Si la décompensation cardiaque est une situation rencontrée en médecine générale ou en pratique hospitalière, elle n’est cependant pas toujours facile à reconnaître surtout chez les jeunes adultes et la myocardite est une affection que même les cardiologues hospitaliers ne rencontrent que de manière fort rare dans leur pratique. Le tribunal n’a pas tenu compte du caractère rarissime de cette complication précise de la varicelle relevé par tous les rapports tant à charge qu’à décharge. Par ailleurs, à propos des renseignements donnés par téléphone à la demande de patients, le concluant regrette que le tribunal ait interprété contre lui-même ces propos. Le concluant avait simplement souligné que la demande de renseignements téléphoniques est une réalité quotidienne et qu’elle n’est évidemment pas sans danger potentiellement en raison du manque d’éléments essentiels dont l’examen clinique. Enfin, le concluant ne peut cacher sa surprise de constater que le tribunal relève qu’il conteste tous les griefs qui lui sont reprochés, « qu’il ne fait preuve d’aucun amendement, indépendamment de son empathie pour les parties civiles depuis le décès de leur fille. ». Or, depuis le début, le concluant avait admis avoir fait, a posteriori, une erreur de diagnostic.c Il a d’autre part, à plusieurs reprises, tenté d’entrer en contact avec les parents par l’intermédiaire du fiancé de Mélanie, afin précisément d’avoir l’occasion d’exprimer cette empathie mais ces tentatives se sont heurtées à un refus. |
4. LES RAPPORTS D’EXPERTISE DANS LE CADRE DE L’INSTRUCTION |
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1° Rapport d’autopsie |
Le rapport d’autopsie définitif du 18 juin 2004 donne
un résumé de l’histoire clinique de la patiente en signalant que : « la
patiente ne présentait pas d’antécédents médico-chirurgicaux
particuliers, hormis une varicelle il y a un mois ». Il précise les problèmes posés : « Problème vasculaire (dissection ? embolie pulmonaire ?) – Problème méningé ? – Troubles métaboliques ». Le rapport contient alors une description macroscopique et une description microscopique ainsi qu’un examen immuno-histochimique. En conclusion de ces investigations, le rapport d’autopsie conclut : « myocardite sévère d’étiologie indéterminée accompagnée de lésions pulmonaire, hépatique et splénique de décompensation cardiaque. Les autres organes sont sans particularité microscopique notable. ». |
2° Rapport du 12 mai 2005 |
Le rapport du 12 mai 2005 du médecin désigné par le magistrat instructeur retient comme conclusions provisoires : « 3. les symptômes de maladie cardiaque ont manifestement été méconnus lors des contacts répétés avec le cabinet médical : on peut déduire des documents disponibles que le diagnostic de la décompensation cardiaque (défaillance cardiaque) n’a pas été pris en considération, ce qui est considéré comme une défaillance diagnostique.c 4. dans le contexte donné, sur base des données disponibles, il semble que c’est une défaillance grave que le Dr DUPONT n’ait pas décidé le 28 mai 2004 en fin d’après-midi dans le cadre de l’évanouissement pendant la consultation en son cabinet médical de faire hospitaliser d’urgence. » |
3° Rapport du 1er juillet 2005 |
Le rapport complémentaire du 1er juillet 2005 établi par le médecin désigné par le magistrat instructeur retient : « Les symptômes étaient attribués aux conséquences normales de la varicelle (une suite normale de la varicelle sans évoquer une possibilité de complications cardiaques). Le Dr DUPONT a largement sous-estimé la situation. Il s’est tenu au diagnostic d’une fatigue manifeste suite à la combinaison d’asthénie post-virale et du stress des examens. Il a ainsi gravement sous-estimé l’augmentation de poids – rétention d’eau (sans d’après lui, de signes manifestement visibles) mais surtout l’essoufflement en combinaison avec la consultation du 28 mai 2004. Il est clair qu’il n’a, à aucun moment, pensé à la possibilité de problèmes cardiaques ou rénaux. Il s’avère qu’il avait toutefois pris en considération la possibilité d’une thrombo-phlébite mais qu’il n’a pas pris de mesures pour confirmer ce diagnostic ou pour l’exclure. Conclusion maintenue : sous-estimation et méconnaissance de la gravité de la situation, et l’action inadéquate subséquente. ». |
5. RAPPORTS MEDICAUX PRODUITS EN PREMIERE INSTANCE ET RECHERCHE DE LA CAUSE DU DECES |
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1° Caractère unilatéral des rapports d’expertise de l’instruction |
Le concluant ne peut pas accepter l’opinion des experts, exprimée dans le cadre de l’instruction pénale. Les informations recueillies dans ce cadre présentent un caractère unilatéral et se fondent sur des éléments recueillis, bien entendu a posteriori, lorsqu’un diagnostic a été déterminé en fonction d’un rapport d’autopsie qui a impliqué une description microscopique. Par ailleurs, le concluant doit regretter que l’expert VAN DE VOORDE n’ait pas examiné avec un sens critique les informations qui étaient données par les parents alors que par ailleurs les informations provenant du concluant n’étaient prises qu’au conditionnel. Ainsi, à titre d’exemple, il est relevé dans le rapport du 1er juillet 2005 : « Le 12 mai 2004, il (aurait) été question de dégonflement des chevilles… ». Plus loin dans la discussion : « Il a ainsi gravement sous-estimé l’augmentation de poids – rétention d’eau (sans) – « d’après lui », signe manifestement visible ». Même à la suite de ces déclarations, qu’il ne prend manifestement pas au sérieux, il ne relève pas la contradiction entre la description d’une jeune fille mince et un BMI à 27,7, ni l’absence d’eau pouvant expliquer une prise de poids de 15 kg. Le tribunal correctionnel a eu l’occasion d’entendre le Dr VAN de VOORDE et le Dr BONBLED à l’audience du 19 décembre 2007, mais cette audition s’est faite sans qu’il n’y ait la présence des témoins cités par les parties, le Professeur BROHET, le Dr VANHALEWYN et le Professeur DECAUX. Il s’avère spécialement que le Professeur BROHET et le Dr VANHALEWYN sont restés très critiques par rapport aux considérations émises par l’expert VAN de VOORDE. |
2° Critiques du rapport de l’expert VAN DE VOORDE |
Le rapport unilatéral de l’expert VAN de VOORDE est également critiquable sur plusieurs autres points. Il convient tout d’abord de se baser sur la version néerlandophone car il y a une erreur de traduction dans le rapport du 12 mai 2005. Le traducteur a visiblement « sauté » des lignes. L’appel du 27 mai n’apparaît donc pas et la demande de rendez-vous est reprise à la date du 12 mai 2004… Autres critiques du rapport : |
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3° Rapport du Professeur VANDERCAM |
Le Professeur VANDERCAM, responsable des maladies
infectieuses au département de médecine interne des cliniques
universitaires Saint-Luc rappelle dans une attestation du 6 avril 2006
: « la myocardite impliquant une varicelle est une complication rare. C’est ainsi que dans le Mandell qui est une référence dans le domaine de l’infectiologie (3.660 pages) on y consacre qu’une ligne. Les complications de la varicelle apparaissent classiquement dans les premiers jours. C’est ainsi que la pneumonie apparaît généralement au 3ème ou au 5ème jour, et l’ataxie cérébelleuse apparaît dans la majorité des cas dans les 4 à 8 jours, avec un délai maximum de 3 semaines. L’angéite cérébrale comme on peut l’observer après un zona ophtalmique est d’apparition tardive. Dans un traité de virologie médicale français, la myocardite est signalée dans les complications exceptionnelles. A l’autopsie, on met en évidence des lésions de myocardite virale. Des recherches spécifiques se révèlent négatives. On note un infiltrat péri-vasculaire et également un infiltrat inflammatoire important au niveau du faisceau de Hiss, ce qui peut orienter vers un trouble du rythme. Les sérologies virales datent du 25 mars 1999 et n’ont donc pas d’intérêt majeur. En conclusion, une myocardite post varicelle est une complication exceptionnelle, qui classiquement apparaît dans les premiers jours. Je dois dire que personnellement, en 20 ans de carrière, je n’ai pas vu de myocardite varicelleuse. Je me demande si l’hypothèse la plus probable n’est pas celle d’un trouble du rythme (cf Anapath – faisceau de Hiss). ». Le professeur VANDERCAM souligne donc combien il est rare de rencontrer dans une pratique même spécialisée la complication que constitue la myocardite post-varicelleuse et il pose par ailleurs la question non résolue de la cause du décès. |
4° Rapport du Dr BACHY |
De son côté, le Dr Christian BACHY, cardiologue
lui-même, écrit le 9 mars 2006 au Dr DUPONT : « J’ai lu attentivement
le dossier que tu m’as soumis. A la lecture de celui-ci, il ressort que
lors de ton examen clinique du 28 mai, tu n’avais pas de signes
cliniques évidents de décompensation cardiaque.c
Ceci a été confirmé par l’examen autopsique qui ne montre pas d’œdème
malléolaire, de liquide intrapéritonéal ou d’engorgement hépatique. |
5° Rapport du Dr DERUYCK |
Le Dr DERUYCK écrit de son côté (attestation du 9 mars
2006) : « Le Dr Bernard DUPONT me demande quelle serait mon attitude
devant une patiente de 22 ans, dont les données cliniques sont les
suivantes :
Je dois avouer qu’en 35 ans de carrière, je n’ai jamais été confronté à une décompensation cardiaque aussi aiguë chez une aussi jeune patiente. Bien sûr, ce n’est pas parce qu’une pathologie est rarissime qu’il ne faille pas y penser. Devant ces données, l’attitude du confrère consistant à temporiser lors du premier appel téléphonique et de consulter au cabinet (vu l’absence d’amélioration clinique) dans un délai raisonnable, est une attitude courante dans notre pratique de médecine générale. Aux dires du Dr DUPONT, lorsqu’il voit la patiente la dernière fois le 28 mai, je crois sincèrement que j’aurais eu la même attitude que la sienne, à savoir en première hypothèse envisager une asthénie post-virale avec composante psychosomatique. ». Le Dr DERUYCK de son côté souligne qu’en 35 ans de carrière, il n’a jamais été confronté à une décompensation cardiaque aussi aiguë et concède qu’il aurait eu la même attitude que celle que le concluant a eue lors de la consultation du 28 mai. |
6° Rapport du Professeur RENARD |
Le Professeur M. RENARD, Chef de clinique et Maître de
Stage en cardiologie de l’U.L.B. a également émis des commentaires
concernant le décès à la suite d’une myocardite aigue faisant suite à
une varicelle de l’âge adulte.
Il tente de répondre à deux questions :
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7° Les attestations des Professeurs SLUYSMANS, BROHET et HAINAUT |
Les attestations du Professeur SLUYSMANS, chef de
service de Cardiologie et Pédiatrique aux cliniques universitaires
Saint-Luc et du Professeur Christian BROHET, du service de pathologie
cardio-vasculaire des cliniques universitaires Saint-Luc et Président
de la Ligue cardiologique belge ainsi que le Professeur P. HAINAUT,
chef de médecine interne des cliniques universitaires Saint-Luc
soulignent to us le caractère extrêmement rare de l’affection
(myocardite) et l’extrême difficulté de déceler cette affection. Ainsi, le Professeur SLUYSMANS écrit : « Tous ces éléments m’amènent à la conclusion que si le diagnostic de défaillance cardiaque n’a pas été posé, la confusion diagnostique peut s’expliquer par l’histoire clinique de la patiente, à savoir celle d’une varicelle, d’une étudiante en blocus, et la rareté du tableau de défaillance cardiaque chez l’adulte jeune. » (attestation du 12 décembre 2006). Le Professeur Christian BROHET écrit : « Il me faut tout d’abord préciser que, parmi l’ensemble des pathologies cardiaques, la myocardite est une affection rare et l’éthiologie varicelleuse doit vraiment être exceptionnelle. Je n’en ai jamais rencontrée en plus de 30 ans de carrière en cardiologie universitaire… Dans le traité de Braunwald, sur 1996 pages, 8 lignes en petits caractères y sont consacrées. De plus, les symptômes et signes de la myocardite en général sont variés et peu spécifiques : ils vont de l’absence complète de symptôme à des formes sévères imitant un syndrome coronarien aigu ou une insuffisance cardiaque fulminante. Le diagnostic en est donc particulièrement ardu. … d’après les renseignements fournis, je peux donc conclure à l’absence de signe clinique évident de décompensation cardiaque » (attestation du 15 décembre 2006). Il y a lieu de relever que le Professeur Christian BROHET pose également la question de la cause exacte du décès. Selon lui « comme l’examen microscopique post-mortem rapporte l’existence d’infiltrats inflammatoires avec œdème important « à proximité du faisceau de HIS, dans la région du nœud auriculo-ventriculaire », le décès a probablement été causé par un trouble de conduction auriculo-ventriculaire type BAV du 3e degré. Mais un trouble du rythme ventriculaire (tachycardie ou fibrillation ventriculaire) aurait pu également être responsable du décès. » (attestation du 12 décembre 2006). Aucune réponse définitive n’a été donnée à ce jour à cette question pourtant essentielle. Le Professeur HAINAUT, chef du service de médecine interne général de l’UCL relève de son côté : « … les multiples contacts, y compris téléphoniques, prouvent à suffisance que le Dr DUPONT a fait preuve d’une grande qualité d’écoute de la patiente. Il a, à juste titre, privilégié les hypothèses cliniques les plus vraisemblables dans le contexte d’une étudiante en blocus, sortant d’un épisode infectieux potentiellement très asthéniant, ce qui est certainement le cas de la varicelle de l’adulte. L’examen post-mortem a bien démontré qu’il n’existait aucun signe de décompensation cardiaque accessible à l’examen clinique, et qui aurait pu orienter le médecin vers un diagnostic d’insuffisance cardiaque : pas d’épanchement pleural, pas d’œdème des membres inférieurs. La congestion pulmonaire telle que décrite à l’examen post-mortem n’est pas détectable sur une base clinique. Les œdèmes ont été présents mais ont spontanément rétrocédé sans traitement diurétique, ce qui n’aurait pas été le cas en présence d’une décompensation cardiaque. On ne voit dès lors pas sur quel élément clinique, le praticien aurait pu évoquer un tel diagnostic, hautement invraisemblable dans le contexte. Si le médecin a le devoir des moyens mis en œuvre pour des soins de qualité, il ne lui incombe certainement pas d’envisager les hypothèses les plus invraisemblables face à une situation déterminée. Enfin, il est loin d’être établi qu’une hospitalisation ait évité cette issue défavorable liée à un trouble du rythme subit et sachant que la mortalité de cette pathologie est élevée et peu influencée par les moyens thérapeutiques… ». |
8° Les observations du Professeur Christian BROHET à la suite de l’audition devant le Tribunal le 19 décembre 2007 |
Le Professeur Christian BROHET avait été entendu par le
tribunal le 19 décembre 2007.
Il a ainsi pu compléter ses observations en fournissant au tribunal une
réponse à trois questions essentielles :
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6. RAPPORTS D’EXPERTISE PRODUITS EN DEGRE D’APPEL PAR LE CONCLUANT |
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Rapport du Professeur MOLS (et ce qu'en pense le Procureur Général - Cliquez ici !) |
Le concluant a soumis l’ensemble des pièces du dossier
au Professeur Pierre MOLS qui est le chef de service des urgences
adultes et SMUR du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE ST PIERRE. Le
rapport qu’il a établi comporte une série de considérations qui doivent
être prises en compte. A propos de « la séquence des recours à la structure de soins par la patiente », le Professeur MOLS mentionne : «L’analyse de ces différents délais montre des contacts médicaux (physiques ou téléphoniques) fort espacés. Ceci suggère, de prime abord pour le thérapeute, que la situation médicale va plutôt bien. Il ne m’appartient pas de savoir pourquoi il existe un tel espacement entre les différents recours à la chaîne de soins et cette lenteur ne peut pas être mise à charge du Dr DUPONT comme une nonchalance médicale de sa part. » A propos de l’analyse sur la variation du poids de la patiente et de l’œdème pulmonaire, l’expert s’exprime ainsi : « L’autopsie relève une « hémorragie et un œdème alvéolaire important » alors que l’auscultation pulmonaire la veille du décès ne relevait pas de stase. Ce point m’interpelle et comme expert de la prise en charge des arrêts cardio-respiratoires, le seul élément que je puisse avancer est qu’en moyenne, au cours d’une réanimation cardio-pulmonaire avancée, l’administration de NaCl est assez importante et correspond à un volume moyen de 800 ml . Ce liquide, administré de manière aigüe pourrait se retrouver localisé plus au niveau de la circulation pulmonaire surtout si la victime ne récupère pas une activité circulatoire systémique. Il pourrait alors diffuser au niveau des alvéoles. » Le remplissage lors des manœuvres de réanimation confirme bien que le concluant n’a pas pu ausculter l’œdème pulmonaire puisque celui-ci est apparu après la consultation, à la suite des 800 ml liquides injectés. L’expert s’interroge également sur la cause du décès et rejoint d’autres experts en estimant que la cause de l’arrêt cardiaque semble avant tout être d’origine rythmique. A propos de la « difficulté d’élaboration de diagnostic en médecine générale comme en médecine d’urgence » l’expert met d’abord en évidence le fait que de manière statistique on rencontre en médecine générale comme en médecine d’urgence de nombreux cas dont la gravité potentielle est faible et peu de cas dont la gravité potentielle est forte. Il ajoute : « C’est pour cette raison que dans les pathologies les plus fréquemment rencontrées, la recherche clinique a permis d’établir des scores de gravité afin d’orienter les examens complémentaires vers les patients qui en nécessitent le plus. Je pense par exemple au score de Wells ou de Genève 2 dans les détections de l’embolie pulmonaire, au score de Framingham chez les patients cardio-vasculaires, au score de Ransom dans la pancréatite, etc. Il est cependant difficile d’établir des scores pour toutes les pathologies rencontrées dans notre pratique journalière. La varicelle chez l’adulte est déjà rare et les complications les plus fréquentes (cutanées, pulmonaires ou cérébrales) sont connues des praticiens. La myocardite est une complication rare, voire rarissime de la varicelle (cf avis des experts dans le dossier) et les symptômes qui la caractérisent sont aspécifiques (asthénie, hypotension, tachycardie, troubles rythmiques bénins ou malins). Il ne me paraît donc pas légitime de reprocher au Dr DUPONT de ne pas avoir évoquer/poser ce diagnostic. ». Enfin, le Professeur MOLS pose la question difficile de savoir si l’hospitalisation de la patiente la veille de son décès aurait permis de l’éviter. Tout en admettant la difficulté de répondre à cette question précise : « avec l’ensemble de ces examens, le médecin urgentiste gardera probablement la patiente à l’hôpital pour des examens complémentaires (échographie cardiaque, monitoring de Holter, etc.) mais il est vraisemblable qu’il décide d’hospitaliser la patiente soit en unité d’hospitalisation provisoire, soit en salle de médecine interne ou de cardiologie générale. Il n’est pas sûr du tout qu’avec les éléments ci-dessus, il soit décidé d’hospitaliser d’emblée la patiente en soins intensifs. Dans ces conditions d’hospitalisation (unité non intensive) il est vraisemblable que la patiente aurait fait son trouble rythmique et aurait été retrouvée en état de mort apparente par le personnel infirmier lors d’une ronde de prise de paramètres. ». |
Rapport du Professeur Jean-Pol BEAUTHIER |
Le Professeur Jean-Pol BEAUTHIER, médecin légiste, a
également procédé à une analyse de l’ensemble des documents établis
dans le cadre de ce dossier et a rédigé un rapport circonstancié dans
lequel il analyse d’abord l’ensemble des éléments de fait qu’il estime
importants, pour procéder ensuite à une étude des commentaires qui ont
été formulés par les divers praticiens et experts, en ce compris bien
entendu les rapports produits par la partie civile. Dans les éléments de discussion et la conclusion de son rapport, il y a lieu de mettre en évidence en particulier que le Professeur BEAUTHIER rejoint notamment l’opinion du Professeur BROHET « à savoir que les symptômes décrits avant le 28 mai ne peuvent être attribués à une insuffisance cardiaque progressive. » (p. 10 du rapport). Il souligne également que le diagnostic est difficile et que la symptomatologie n’oriente pas nécessairement vers la décompensation cardiaque d’emblée (p. 10) et il ajoute : « De la même manière, on ne peut admettre que cette éventuelle décompensation cardiaque s’installant sur plusieurs semaines ait présenté des phases de rémission. Ce diagnostic ne peut donc être réellement retenu de manière formelle, à moins que l’on ne se trouve face à une forme inhabituelle, voire bi-ventriculaire, telle que décrite par le Professeur BROHET. Admettons cependant que la suite des différents symptômes fasse évoquer ce diagnostic. Compte tenu des altérations microscopiques retrouvées au sein du tissu cardionecteur (faisceau de HIS), le diagnostic de troubles du rythme responsable du décès reste certainement le plus logique. C’est dire cependant – face au semblant de désaccord de diagnostic des éminents cardiologues ayant étudié ce dossier – si l’on se trouve face à une situation fort complexe, voire ambiguë. On ne peut donc certainement pas reprocher au Dr DUPONT, médecin généraliste, de n’avoir pas retenu ce diagnostic. » (c’est le concluant qui souligne) Le Professeur BEAUTHIER relève alors qu’après la première consultation du 5 mai 2004 qui n’a pas permis d’éveiller un quelconque soupçon de pathologie sévère, il est regrettable qu’il y ait eu deux entretiens téléphoniques plutôt qu’un minimum de consultation et il ajoute d’ailleurs que le concluant a souligné lui-même ce caractère regrettable et il précise que le concluant n’aurait probablement pas pu poser le diagnostic réel mais aurait pu se rendre compte de l’évolution symptomatologique et de la gravité. L’expert envisage alors la question de l’intervalle « libre » du 12 mai 2004 au 27 mai 2004 et écrit : « Dès lors qu’aucun élément médical ne peut combler ce vide, nous ne pouvons formuler le moindre commentaire à ce propos, sinon regretter que Melle CAILLIAU n’ait pas pris rendez-vous auprès du médecin généraliste. La situation s’améliorait-elle ou inversement s’aggravait-elle et si oui, pourquoi ce mutisme qui participera certainement à cette évolution fatale ? » A propos de la consultation du 28 mai 2004, l’expert dit également qu’il est regrettable que le concluant n’ait pas d’emblée sollicité l’hospitalisation de la patiente mais ajoute « On peut admettre que la symptomatologie, vu le contexte de la période de blocus auquel était confrontée la jeune fille, ait pu l’orienter vers la minimisation de la symptomatologie. La méfiance était de rigueur dès lors qu’il ne connaissait pas cette patiente et que d’autre part, la symptomatologie – fluctuante certes – était relatée depuis plus de 3 semaines. » En conclusion générale, le Professeur BEAUTHIER, dans son rapport nuancé, souligne la situation relativement exceptionnelle ayant malheureusement abouti à l’évolution fatale, précise que : « Rien ne permet d’affirmer qu’un bon diagnostic posé à temps (ou à tout le moins un diagnostic d’atteinte organique dès le 10 ou le 12 mai 2004…), aurait permis de sauver Melle Mélanie CAILLIAU des complications de cette myocardite. » Il relève dans sa conclusion qu’il est à regretter des entretiens téléphoniques plutôt que de réelles consultations médicales comme il est à regretter l’intervalle « libre » du 12 mai au 27 mai 2004 et clôture son rapport comme suit : « De même, le Dr DUPONT a vraisemblablement manqué de précaution en ne proposant pas l’hospitalisation immédiate le 27 mai 2004 mais il est tout aussi vraisemblable que cette hospitalisation n’aurait pas changé le cours des choses et que dès lors, le décès serait malgré tout survenu dans ce contexte dramatique et exceptionnel. » (p. 12 du rapport) |
7. L’ABSENCE DE FAUTE DANS LE CHEF DU CONCLUANT |
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1° Consultation du Dr MOYERSOEN ET DEBRIEFING AVEC LE CONCLUANT |
Le Dr MOYERSOEN, assistant du concluant, a examiné la
patiente le 5 mai 2004 et cette consultation a été suivie comme c’est
la règle d’un entretien (débriefing) entre les deux praticiens, cette
consultation ne pouvant éveiller à l’époque le soupçon de pathologie
sévère comme l’a relevé le Professeur BEAUTHIER. Il y a eu ensuite l’entretien téléphonique du 10 mai 2004 au cours duquel le concluant a, comme il le fait pour chacun de ses patients, invité la patiente à le recontacter dans les 48 heures pour lui donner des nouvelles de l’évolution. La patiente l’a fait pour notamment signaler que les chevilles avaient dégonflé, avec les mesures d’hygiène et sans diurétique prescrit. L’expert BEAUTHIER relève lui-même que selon le rapport du Professeur VAN de VOORDE, il aurait été question de dégonflement des chevilles. (p. 3 du rapport de l’expert BEAUTHIER) Il y a donc lieu de relever qu’entre le 5 et le 12 mai 2004, il y a eu un suivi de la patiente sans particularité majeure ne laissant pas soupçonner la suite dramatique des évènements. |
2. De la relation de la consultation du 28 mai par la partie civile |
La partie civile a déposé une retranscription de la
consultation du 28 mai telle que l’a perçue la maman de Mélanie. Selon elle-même, la patiente a manifesté à plusieurs reprises son souci répété de ne pas arriver à étudier et à présenter ses examens. A trois reprises au moins lors des deux ou trois premières minutes de la consultation, la patiente s’inquiète pour ses examens. Même après son malaise vagal, elle s’en inquiète encore (voir retranscription p. 3 « Mais docteur, mardi j’ai un examen, est-ce que je pourrai y aller ? »). On relèvera également dans cette retranscription qu’à aucun moment il n’est fait mention d’une prise de poids quelconque, ce qui confirme ce que le concluant a toujours soutenu et qui était donc normal qu’elle n’ait pas été pesée lors de cette consultation. Cette retranscription confirme également qu’il n’y avait pas de rétention d’eau (p. 2 de la retransciption, la maman dit : « Elle avait fait de la rétention d’eau ! »). Ceci confirme également ce que le concluant avait soutenu, à savoir qu’il y avait eu de la rétention d’eau qui avait disparu spontanément sans diurétique comme la patiente l’avait d’ailleurs confirmé lors de la conversation téléphonique du 12 mai. Il n’y avait pas de signe de rétention d’eau lors de la consultation du 28 mai, ce qui est d’ailleurs confirmé par le rapport d’autopsie aussi. Enfin, la maman admet elle-même qu’elle n’a pas assisté à l’auscultation, ce qui est évidemment normal. La patiente et le médecin sont passés dans la pièce adjacente. Elle n’a donc pas pu assister à l’auscultation et ne peut donc affirmer qu’il n’y en aurait pas eue. |
3. De l’état de la patiente en arrivant à la consultation du 28 mai |
Le concluant a déclaré que lors de la consultation du 28 mai, Melle
CAILLIAU « marche tout à fait normalement et repartira de même », ce
qui est contesté par les parties civiles en termes de conclusions mais
en vain.
D’ailleurs, d’après les déclarations de Mr CAILLIAU à la police
judiciaire « Mélanie a demandé au docteur si elle pouvait aller à son
examen le mardi 1er juin 2004 ».
Si la patiente était couchée quand sa maman est passée chez elle, cela
ne l’a pas empêchée de marcher normalement et il n’y a pas de raison de
mettre en doute la version du concluant. |
4. De l’auscultation de la patiente et de l’absence de signe de décompensation cardiaque lors de la consultation du 28 mai |
Mr CAILLIAU a déclaré à la police judiciaire : « Le médecin a pris
Mélanie à part dans une pièce avoisinante pour l’auscultation. Mon
épouse est restée dans le cabinet et elle n’a pas assisté à
l’auscultation. ». |
5. De la rareté de la myocardite faisant suite à une varicelle |
Ainsi qu’il a été souligné, les rapports des Professeurs VANDERCAM,
BROHET, SLUYSMANS et HAINAUT, produits en première instance, ainsi que
les rapports des Professeurs MOLS et BEAUTHIER concluent tous à
l’extrême rareté de la myocardite suite à une varicelle. Or, au moment d’aborder l’autopsie, les problèmes évoqués par le médecin légiste sont les suivants : - problème vasculaire (dissection ? embolie pulmonaire ?) - problème méningé ? - trouble métabolique ? On constate donc qu’à aucun moment les médecins ne pensent à une myocardite. Or dans les antécédents il est bien fait mention d’une varicelle un mois auparavant. Il faut souligner que l’autopsie macroscopique ne révèle pas les causes du décès. Il faudra attendre les examens anatomo-pathologiques pour arriver au diagnostic de myocardite. L’hypothèse privilégiée est celle d’une myocardite des suites de la varicelle objectivée mais aucune certitude n’est acquise à ce moment : « cette patiente est décédée d’une affection rare, une myocardite dont le diagnostic final n’est possible que grâce à un examen microscopique cardiaque et l’examen macroscopique lors de l’autopsie ne permettant pas d’amener un diagnostic expliquant le décès de cette jeune fille » (rapport du Professeur SLUYSMANS). « Ce sont finalement les examens microscopiques qui vont permettre de préciser le diagnostic » (rapport du Docteur BACHY). Les témoins VAN de VOORDE et BONBLED s’accordent à considérer que le décès de la patiente est dû à une myocardite probablement post-virale sans pouvoir préciser si c’est à la suite d’une varicelle (voir plumitif de l’audience du 19 décembre 2007). Il convient également de nuancer cette conclusion provisoire de ces témoins par rapport aux hypothèses d’autres experts, éminents spécialistes, qui évoquent le décès dû à un trouble du rythme. |
6. De la prise de poids de 17,5 kg |
Lors de la consultation du 5 mai chez le Dr MOYERSOEN, Mélanie CAILLIAU
se plaint uniquement de fatigue. Elle ne mentionne pas avoir pris du
poids (et par conséquent le Dr MOYERSOEN ne la pèse pas).
|
7. De la crainte de la patiente de ne pouvoir se rendre aux examens |
Les craintes exprimées par Melle CAILLIAU lors de la consultation du 28 mai sont bien celles de ne pas y arriver, de ne pas pouvoir se rendre aux examens. Contrairement à ce que prétend Mme CAILLIAU, ce n’est pas parce qu’on a eu de bonnes notes à la session d’examens précédente que l’on ne stresse pas pour les suivants. Le concluant devait donc bien prendre en compte la crainte manifeste qui avait été exprimée. Le Professeur SLUYSMANS, dans son rapport, précise : « L’attitude, le comportement et l’état physique des étudiants en période de blocus sont effectivement parfois très interpellants en tant que parents ou en tant que médecins ». C’est bien en pensant au stress des examens pour l’un et de la compétition pour l’autre que le concluant fait des comparaisons avec son fils ou avec la joueuse de tennis Justine HENNIN. La retranscription de la consultation du 28 mai par la maman confirme la réalité de la préoccupation de la patiente exprimée à plusieurs reprises quant à la question des examens à présenter. |
8. De la prescription de Sulpiride |
Le Sulpiride a été prescrit par le concluant afin d’aider la patiente
dans son blocus et de « dénouer l’estomac » comme il l’a d’ailleurs
indiqué sur la fiche de traitement remise à la patiente. A aucun moment il n’a été diagnostiqué une dépression ou un trouble mental. Ce léger antidépresseur qui a été donné à doses homéopathiques, comme l’a du reste relevé le Dr DECAUX lors de son audition du 18 décembre, est régulièrement prescrit aux étudiants en blocus afin de les aider dans cette période particulièrement difficile. Il ressort d’ailleurs clairement de la retranscription du déroulement de la consultation faite par la maman de la patiente que celle-ci se plaignait de ne pouvoir étudier et s’inquiétait de savoir si elle allait pouvoir présenter son prochain examen. C’est donc bien pour cela que le concluant a « prescrit du Sulpiride à 60 mg en préparation magistrale pour qu’elle ne se croit pas dépressive. ». A aucun moment il n’a donc été question de tromper la patiente ou sa maman sur la nature exacte du diagnostic posé et du traitement mis en œuvre. C’est, tout à fait vainement, que la partie civile affirme que le concluant aurait occulté volontairement un diagnostic de trouble mental dépression. Le concluant maintient qu’ « il a effectivement prescrit du Sulpiride à 60 mg en préparation magistrale pour que la patiente ne se croit pas dépressive ». Le concluant a d’ailleurs pris le temps d’expliquer à la patiente et à sa maman qu’il utilisait cette recette pour dénouer l’estomac au niveau digestif et détendre au niveau de l’angoisse nerveuse. Ceci est d’ailleurs indiqué sur la posologie que le concluant a remise à la patiente et à sa maman, pièce par ailleurs jointe au dossier pénal. On ne peut donc pas reprocher au concluant de n’avoir pas expliqué dans quel but il donnait ce traitement. Il ne les a donc en aucun point trompées comme elle l’affirme erronément. Le concluant rappelle d’ailleurs que le papa de la patiente a déclaré qu’elle dormait paisiblement à 23 h 30, ce qui était d’ailleurs un but recherché. Le concluant a également rappelé que le Sulpiride est régulièrement prescrit aux étudiants afin de les aider pendant leur période d’examens. Le Sulpiride est bien un antidépresseur comme renseigné dans le Compendium de l’AGIM, à la dose de 200 mg. Or, dans le cas d’étudiants en examens, qui ne sont pas dépressifs, mais qui ont besoin d’être aidé pendant cette période difficile, le Sulpiride est prescrit à une dose de 60 mg (dose d’ailleurs qualifiée d’homéopathique par l’expert de la partie civile, le Dr DECAUX). Il s’agit là d’un traitement symptomatique de courte durée. La prescription de Sulpiride faisait suite à l’angoisse exprimée par la patiente de ne pas arriver à étudier ses examens tout proches (cf retranscription de la consultation par la maman de la patiente). En ce qui concerne la mention dans le dossier médical, il convient de rappeler qu’il s’agit d’un dossier médical informatique, la notion d’épuisement nerveux et d’angoisse « de ne pas y arriver » était de cliquer sur le menu déroulant qui ne proposait – à l’époque mais cela a été corrigé depuis – que « trouble mental dépression ». Dépression signifie dans ce cas précis « anxiété d’une étudiante à l’idée de ne pas réussir à présenter ses examens ». Il ne faut pas chercher d’autre signification à ce terme. Par ailleurs, comme il a déjà été expliqué également, la notice de Sulpiride ne révèle pas de contre-indication en cas d’hypotension. Enfin, il faut relever que seules les parties civiles soulèvent ce problème de prescription de Sulpiride. Les 5 rapports produits en degré d’appel par les parties civiles, de même que le rapport de l’expert judiciaire, ne formulent aucune remarque quant à l’administration de Sulpiride, traitement habituel pour aider un étudiant en examen. Contrairement à ce que soutiennent les parties civiles, le Sulpiride n’a pas d’effet secondaire indésirable sur le rythme cardiaque. (cf Compendium de l’AGIM, notice du Sulpiride et du Dogmatil). Le Dr VANHALEWYN a d’ailleurs bien précisé que « Le Sulpiride est un léger antidépresseur et qu’il n’est pas connu comme toxique pour le cœur » (audition du 18 décembre 2007). La notice scientifique du Sulpiride (à une dose de 200 mg alors que le concluant l’a prescrite à une dose homéopathique de 60 mg) révèle des contre-indications qui ne sont en aucun cas applicables au cas d’espèce : « Augmentation de l’effet anti-hypertensif et du risque d’hypotension (effet additif) ». La lecture critique du compendium révèle cependant que ce n’est le cas que lorsqu’il y a prise concomitante d’un antihypertenseur (ce qui n’était pas le cas de la patiente). Cette mention apparaît d’ailleurs dans le paragraphe consacré aux « interactions médicamenteuses et alimentaires ». « le symptôme végétatif le plus fréquent est l’hyperthermie qui survient généralement un certain temps après les symptômes moteurs et est souvent liée à d’autres signes, notamment une tension labile, une tachycardie, une vasoconstriction périphérique, la transpiration… ». L’hyperthermie maligne montre une tension labile, c’est-à-dire une changeante, ayant des hauts et des bas. Il n’est pas fait mention ici non plus de troubles du rythme. Une fois encore ce n’est pas le cas de la patiente. La critique de la prescription de Sulpiride est donc sans fondement. |
9. La demande de rendez-vous en urgence |
Le 27 mai 2004, Melle CAILLIAU téléphone à 18 h pour demander s’il est
possible d’obtenir un rendez-vous mais pas dans l’urgence. Rendez-vous
est fixé au lendemain à 16 h 15 alors que le vendredi le concluant
reçoit à partir de 8 h du matin et a des plages horaires prévues pour
les urgences. C’est donc bien que la demande de Melle CAILLIAU n’avait aucun caractère urgent. Si le rendez-vous avait vraiment été demandé en urgence, il y aurait eu trois possibilités : soit le concluant la recevait encore le soir même car il ne remet jamais un rendez-vous urgent au lendemain ; soit il aurait pu envoyer son assistant ou encore conseiller à Melle CAILLIAU de se rendre directement à la salle d’urgence. Ce qu’elle aurait d’ailleurs sans doute fait de sa propre initiative ou sur le conseil de ses proches si la situation l’avait réellement exigé. Or, elle a attendu normalement l’heure du rendez-vous. Lors de l’appel téléphonique du 12 mai, le concluant avait suggéré à la patiente de le rappeler dans les 48 h pour lui dire comment cela allait. C’est la démarche traditionnelle qu’il adopte avec ses patients. Cette démarche a été confirmée lors de l’audience du 18 décembre 2007. Aussi, entre cet appel téléphonique du 12 mai qui devait être considéré comme rassurant et le 27 mai, 15 jours se sont passés sans aucun contact avec le cabinet du concluant. Celui-ci lui avait pourtant demandé de consulter si la symptomatologie ne s’amendait pas rapidement. De plus, l’appel a lieu à 18 h. Une heure à laquelle on n’est pas assuré d’encore pouvoir joindre son médecin et encore moins d’obtenir un rendez-vous pour le jour même. La question reste donc posée de savoir ce qui s’est passé pendant ces 15 jours. Les Professeurs MOLS et BEAUTHIER évoquent cet intervalle de 15 jours pour lesquels subsistent de grandes interrogations. Le Professeur MOLS précisant : « Il ne m’appartient pas de savoir pourquoi il existe un tel espacement entre les différents recours à la chaîne de soins et cette lenteur ne peut pas être mise à charge du Dr DUPONT comme une nonchalance médicale de sa part. » (p. 1 du rapport) |
10. Quid d’une éventuelle prise en charge plus rapide de la myocardite ? |
On peut se poser la question de savoir sur quel critère une prise en
charge plus rapide en milieu hospitalier aurait été justifiée ou
possible. (le 10 mai au plus tard d’après les conclusions déposées par
les parties civiles) Il convient de rappeler que le 5 mai Melle CAILLIAU ne se plaint que de fatigue lors de la consultation chez le Dr MOYERSOEN et que le débriefing qui s’ensuit est fait dans ce sens. Dans son rapport le Professeur VAN de VOORDE déclare : « Après la première consultation du 5 mai 2004, le Dr MOYERSOEN a retenu le diagnostic d’une période prolongée de fatigue après une infection virale (varicelle) (généralement banale pour les enfants) ; cette fatigue (asthénie post-virale) peut en effet être une plainte importante après cette maladie d’enfant soufferte à l’âge adulte. Il n’aurait pas été fait mention d’essoufflement lors de cette consultation. Ceci ne peut être confirmé ni infirmé. » et d’ajouter : « Il n’y a pas d’indication de manquement dans l’activité médicale du Dr MOYERSOEN. » Lorsque Melle CAILLIAU appelle le concluant le 10 mai elle mentionne une prise de poids (sans parler de 5 kg) et d’un gonflement des membres inférieurs. Ainsi que cela a déjà été expliqué ce type de plainte est fréquent chez les étudiants en blocus et le concluant, exerçant à 500 m de St Luc est régulièrement consulté pour ce type de plainte. Il n’est en effet pas envisageable que chaque asthénie post-virale puisse être suivie d’une nécessité d’un avis cardiologique à la recherche d’une myocardite… « Le Dr DUPONT a, à juste titre, privilégié les hypothèses cliniques les plus vraisemblables dans le contexte d’une étudiante en blocus, sortant d’un épisode infectieux potentiellement très asthéniant, ce qui est certainement le cas de la varicelle de l’adulte » (rapport du Prof. HAINAUT). Rien n’indique par ailleurs qu’une prise en charge plus rapide aurait pu éviter l’issue fatale. « Il est loin d’être établi qu’une hospitalisation ait évité cette issue défavorable liée à un trouble du rythme subi et sachant que la mortalité de cette pathologie est élevée et peu influencée par les moyens thérapeutiques. » (rapport du Prof. HAINAUT). Le Professeur DECAUX lui-même n’est pas beaucoup plus optimiste puisqu’il écrit : « Les myocardites virales sont le plus souvent réversibles, celles avec fraction d’éjection basse sont de plus mauvais pronostic et peuvent éventuellement bénéficier d’une greffe cardiaque. » Le Professeur BEAUTHIER conclut en considérant que l’hospitalisation n’aurait vraisemblablement pas changé le cours des choses et que le décès serait malgré tout survenu. Le Professeur MOLS procède à une analyse concrète des conditions dans lesquelles une hospitalisation de la patiente aurait été effectuée pour aboutir à la même conclusion, à savoir que la patiente aurait vraisemblablement fait son trouble rythmique dans les conditions d’hospitalisation normales. Il convient donc de suivre les conclusions du Professeur HAINAUT d’une part qui considère que c’est à juste titre que le concluant avait privilégié les hypothèses cliniques les plus vraisemblables dans le contexte d’une étudiante en blocus et suivre par ailleurs les conclusions des autres experts selon lesquels l’hospitalisation n’aurait malheureusement vraisemblablement pas permis d’éviter le décès. |
11. De la connaissance des complications de la varicelle |
Il convient de rappeler que le lien entre la varicelle et la myocardite
n’est pas établi dans le cas d’espèce. « Les témoins VAN de VOORDE et BONBLED s’accordent à dire que le décès de la jeune fille est dû à une myocardite probablement post-virale sans pouvoir préciser si c’est à la suite d’une varicelle » (plumitif de l’audience du 19 décembre 2007). Le concluant a précisé avoir déjà traité en 25 ans de carrière trois ou quatre cas de varicelle adulte mais tous les cas de varicelle adulte ne présentent heureusement pas de complications. Il a reconnu savoir que la varicelle peut avoir des complications notamment des complications de cardiopathie, ce qui ne veut pas dire myocardite. Le Professeur VANDERCAM rappelle dans son attestation que « La myocardite compliquant une varicelle est une complication rare. C’est ainsi que dans le Mandell, qui est une référence dans le domaine de l’infectiologie (3.660 pages) on y consacre qu’une ligne. ». Même le Professeur SLUYSMANS, spécialiste, signale qu’à titre personnel en tant que cardiologue pédiatre, il n’en a jamais entendu parler et n’avait jamais lu quoi que ce soit à ce sujet. L’expert VAN de VOORDE, dans son rapport, dit : « Pour être complet, il y a lieu de signaler que le diagnostic d’une inflammation du muscle cardiaque est difficile et exige une compétence particulière ; ceci n’est toutefois pas le cas pour les signes de défaillance cardiaque qui y sont liés. » Or, tous les rapports produits ainsi que le rapport d’autopsie précisent bien qu’il n’y avait aucun signe de décompensation cardiaque accessible à l’examen clinique. Il convient par ailleurs de préciser que la connaissance théorique de la pathologie ne peut être confondue avec la connaissance en tant qu’expérience personnelle, c’est-à-dire en tant qu’hypothèse à laquelle on a été confronté dans sa pratique face à une pathologie donnée. Les experts consultés sont unanimes pour dire qu’ils n’ont pas rencontré dans leur expérience parfois longue de myocardite varicelleuse. |
12. De la reconnaissance des faits et de l’erreur |
Dans une déclaration lors de l’instruction, le concluant avait reconnu
« a posteriori avoir mal évalué la situation et avoir eu une attitude
thérapeutique non adéquate » (audition du concluant le 29 septembre
2005 P.V. 221018/05). Le concluant n’a jamais remis en question cette appréciation. Cette reconnaissance de fait lorsqu’une analyse peut être réalisée a posteriori ne peut en aucune manière impliquer une reconnaissance de faute. L’ensemble des attestations médicales produites et mentionnées ci-avant démontrent l’extrême rareté de l’affection et la quasi impossibilité pour un médecin généraliste de la déceler de telle sorte qu’un médecin généraliste placé dans des circonstances similaires aurait vraisemblablement agi de la même manière que le concluant. Si, a posteriori, le concluant reconnaît avoir commis une erreur, cette erreur n’est pas nécessairement fautive. C’est donc également à tort que le premier juge retient que le concluant aurait contesté « tous les griefs qui lui sont reprochés » (feuillet 11 du jugement entrepris) ayant tout au contraire, dès son audition du 29 septembre 2005, reconnu avoir eu une attitude thérapeutique non adéquate. Il démontrait par là qu’il y avait bien eu une démarche qui était erronée. Cette erreur n’est pas pour autant constitutive de faute, même légère, lorsque l’on a égard aux nombreuses attestations d’experts recueillies. |
13. Des critiques à propos des attestations produites par le concluant |
Les parties civiles ont tenté de jeter le discrédit sur les rapports
d’experts déposés par le concluant en considérant qu’il s’agissait de
certificats de « bonne confraternité ». On relèvera toutefois que les attestations produites sont des réponses apportées par des médecins de renommée internationale qui ont eu le courage et l’honnêteté de mettre par écrit des réflexions que leur inspirait le cas soumis par le concluant en se basant sur le rapport d’autopsie. Aucun de ces médecins ne mettrait sa réputation en jeu en produisant un rapport de « bonne confraternité ». On relèvera aussi que les rapports établis par les Professeurs MOLS et BEAUTHIER, respectivement chef du service des urgences adultes et SMUR du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE ST PIERRE et médecin légiste expert professeur à la FACULTE DE MEDECINE DE L’UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES, avalisent les rapports des éminents spécialistes qui avaient été consultés en première instance et qui s’étaient exprimés et apportent les nuances qu’impose l’examen des causes de ce décès. Il ne peut donc être question de rejeter les attestations produites sous le prétexte – totalement erroné – qu’il s’agirait de rapports de bonne confraternité. |
14. Des rapports médicaux complémentaires déposés par les parties |
A l’appui de leurs conclusions additionnelles et de synthèse, les
parties civiles déposent de nouvelles attestations médicales afin de
tenter de contester les rapports d’expertise des Professeurs BROHET,
BEAUTHIER et MOLS. |
8. L’ABSENCE DE RELATION CAUSALE ETABLIE ENTRE LA FAUTE EVENTUELLE ET LE DOMMAGE |
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La Cour de cassation a consacré depuis longtemps le principe de
l’équivalence des conditions et définit le critère pour vérifier
l’existence d’un lien de causalité entre la faute – et plus
généralement le fait générateur de responsabilité – et le dommage : la
causalité entre une faute et un dommage est établie dès lors que sans
cette faute, le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est
réalisé in concreto. (c’est la condition sine qua non). |
9. EN DROIT – ABSENCE D’INFRACTION |
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Il est généralement admis par la doctrine comme par la jurisprudence
que le médecin est tenu de prodiguer à son patient des soins
consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la
science (voir p.ex. Mons, 12.5.1997, R.G. A.R. 1998/12937). Le médecin est tenu d’une obligation de moyen, c’est-à-dire qu’il ne s’engage pas à guérir le patient et ne promet donc pas à ce dernier d’aboutir à un certain résultat mais « il s’engage seulement à affecter tous les moyens mis à sa disposition par la science médicale actuelle pour viser la guérison ou l’amélioration de la santé du patient » (Van Sweevelt, La responsabilité civile du médecin et de l’hôpital, Bruylant, 1996, p. 69). Ce principe s’explique parce que la connaissance médicale n’est jamais parfaite, parce que les corps humains réagissent parfois différemment au même traitement et parce que la mise en œuvre de la médecine reste difficile. Selon une jurisprudence bien établie : « Or, de la négligence ou de l’imprudence que tout homme peut commettre, le médecin ne répond des suites fâcheuses de ses soins que si, eu égard à l’état de la science et aux règles consacrées de la pratique médicale, l’imprudence, l’inattention ou la négligence qui lui sont imputées révèlent une méconnaissance certaine de ces devoirs. » (voir La responsabilité civile médicale, Henri Anrys, Larcier, p. 123). Il résulte de ces principes généralement admis que tout médecin normalement consciencieux et diligent, placé dans des circonstances similaires à celles du concluant, aurait agi de la même façon. Les nombreuses attestations médicales produites le confirment. L’extrême rareté de l’affection et l’absence de signes cliniques permettent de considérer que le concluant n’a pas commis de faute dans la prise en charge de la patiente. Ce n’est évidemment pas l’examen que l’on fait a posteriori lorsqu’on a pu procéder à une analyse détaillée tant sur le plan macroscopique que microscopique qui autorise à considérer que le comportement fut fautif. A supposer que comme le concluant l’a exprimé lui-même que des regrets soient justifiés quant à une réaction inadéquate dans le décours des soins et à supposer que l’on puisse considérer qu’il s’agit là d’une précaution qui n’a pas été prise comme le relève d’ailleurs le Professeur BEAUTHIER, encore convient-il de constater qu’il s’agit d’observations qui sont formulées a posteriori et sans pour autant en déduire qu’il y ait là manifestation d’une faute, fût-elle légère. A l’audience du 22 avril 2009, le concluant a été invité par la Cour d’appel à se défendre d’une éventuelle requalification des faits qui lui sont reprochés en une prévention de non assistance à personne en danger. Pas plus que la qualification d’homicide involontaire, la qualification de non assistance à personne en danger ne peut être retenue à charge du concluant, à défaut d’élément moral. En effet, pour être déclarée établie, cette infraction doit avoir été commise volontairement et sciemment (dol général). Or, comme le souligne le professeur De Nauw, « une erreur de diagnostic qui a conduit à un traitement non approprié du patient exclut l’application de l’article 422 bis »(De Nauw, Initiation au droit pénal spécial, Ed. 2008, p.316). Cette analyse est confirmée par la jurisprudence qui précise notamment qu’ « une erreur de diagnostic n’est pas assimilable à une abstention coupable » et que « la faute implique un comportement que n’aurait pas eu , dans les mêmes circonstances, un autre professionnel normalement compétent et diligent, compte tenu des marges d’appréciation qui existent nécessairement et compte tenu aussi des erreurs que l’on peut commettre, sans nécessairement être constitutives de fautes…le juge doit se placer dans les circonstances de temps et de lieu où se sont produits les faits critiqués, sans céder à la tentation de les juger a posteriori à la lumière d’éléments d’information et d’appréciation dont ne pouvaient disposer ceux qui avaient à prendre leur difficile décision »(Liège, 21 mai 2007, Rev. Droit de la santé 2007-2008, p.385 ; dans le même sens Gand, 11 décembre 1963, R.D.P., 1963-64, p.896). Les circonstances concrètes de la présente cause, déjà exposées plus haut, dans lesquelles le concluant est intervenu, démontrent à suffisance que le concluant n’a pu légitimement déceler l’existence d’un « péril grave »dans le chef de sa patiente, au sens de l’article 422bis du code pénal et ne s’est pas rendu coupable d’une abstention de porter secours. Il en résulte que cette prévention doit également être déclarée non établie.» |
10. LA CARRIERE DU CONCLUANT |
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Le concluant exerce la médecine générale depuis 30 ans (début
d’activité en août 1979). Il est chargé de cours à l’Université
Catholique de Louvain et également maître de stage, c’est-à-dire qu’il
forme des jeunes assistants depuis 2001. Les étudiants de 2e candidature en médecine viennent assister à sa consultation dans le cadre de leur formation. Le concluant est également délégué aux hôpitaux à Bruxelles. Il est membre de la Commission d’image de marque des Cliniques Universitaires St Luc, membre du Conseil d’administration de l’Association des médecins généralistes du Sud-Est de Bruxelles, membre du projet RAMPE (soins palliatifs à domicile), membre actif de la Société scientifique de médecine générale en charge en particulier de projets novateurs dans le contrôle tensionnel informatisé et membre du Conseil d’administration de la garde de Crainhem-Wezembeek. Il consacre sa vie entière à ses patients. Ceux-ci ont souvent été envoyés chez lui sur recommandation de médecins spécialistes qui n’hésitent d’ailleurs pas à lui confier la santé de leurs proches. Il consacre toute sa vie à sa pratique professionnelle qui constitue d’ailleurs la seule source de revenus de sa famille. Son épouse l’aide dans son métier, ayant d’ailleurs le statut de conjointe aidante et ne travaillant pas à l’extérieur. L’ensemble de ces éléments démontrent également que le concluant est un médecin qui est en prise complète sur l’évolution de la pratique médicale, qu’il est nécessairement informé des derniers développements techniques, des dernières règles de bonne pratique, des recommandations pour garantir l’exercice d’une médecine de qualité. Il faut en déduire que le concluant a accompli toutes les démarches qui, dans une carrière professionnelle, peuvent être conseillées afin de se trouver dans la meilleure situation possible pour garantir à ses patients des prestations de qualité conformes aux données acquises et actuelles de la science médicale. |
11. LES DEMARCHES ENTREPRISES PAR LA PARTIE CIVILE |
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La partie civile a entrepris de nombreuses démarches depuis les dépôts de plaintes tant auprès de l’Ordre des Médecins qu’auprès du Tribunal de Première Instance :
Toutes ces actions ont provoqué des réactions dans le public mais le
concluant quant à lui a toujours adopté la même ligne de conduite
considérant que le débat appartenait aux cours et tribunaux et non aux
médias.
Jusqu’à présent il s’est toujours refusé à tout commentaire tant qu’une
décision de justice ne serait pas prise comptant sur la sérénité des
débats. |
12. DEMANDE SUBSIDIAIRE DE SUSPENSION DU PRONONCE DE LA CONDAMNATION |
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A titre subsidiaire le concluant a demandé la suspension du prononcé de
la condamnation qui a été refusée par le tribunal pour le motif qu’elle
serait de nature à banaliser aux yeux du concluant son erreur médicale
aux conséquences dramatiques et engendrer dans son esprit un sentiment
d’impunité.
Le concluant ne peut suivre cette motivation si ce n’est que le
tribunal lui-même relevait qu’il s’agissait d’une erreur médicale.
A aucun moment le concluant n’a minimisé l’importance de ce drame.
Sa conscience professionnelle reconnue par tous démontre au contraire
combien il porte avec douleur le drame vécu. |
PAR CES MOTIFS |
Sous toutes réserves généralement quelconques |
PLAISE A LA COUR |
A titre principal |
Faire droit à l’appel interjeté par le concluant. Constater que l’infraction reprochée au concluant n’est pas établie. Dès lors acquitter le concluant. Statuant sur la demande de la partie civile, dire celle-ci recevable mais non fondée, en débouter la partie civile et lui délaisser ses dépens. |
A titre subsidiaire |
Avant dire droit Désigner un collège d’experts comprenant un médecin généraliste, un médecin spécialiste en cardiologie et un médecin spécialiste en maladie infectieuse avec pour mission de donner un avis sur la cause du décès de Mademoiselle Mélanie CAILLIAU survenu le 29 mai 2004. Donner avis sur la possibilité de la détection d’une éventuelle décompensation cardiaque lors de la consultation du 28 mai 2004. Répondre aux faits directoires des parties.
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A titre plus subsidiaire |
Accorder au concluant le bénéfice de la suspension du prononcé. Pour le concluant Ses conseils Alain VERGAUWEN Eric THIRY Avocat Avocat |
INVENTAIRE DE PIECES dossier : DUPONT/CAILLIAU |
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Farde 1 : Pièces déposées devant la Chambre du Conseil |
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Farde 2 : Pièces déposées devant la Chambre des Mises en Accusation |
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Farde 3 : Pièces complémentaires produites devant la Chambre Correctionnelle du Tribunal de Première Instance de Bruxelles |
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Farde 4 : Pièces complémentaires produites devant la Cour d’appel |
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On connait la suite ... |
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